C'est le passé et le présent qui se mélangent pour former la passionnante histoire culturelle de notre antique cité, tournée irrémédiablement vers l'avenir…
Ces "billets", pour amoureux d'Anduze, n'en sont que quelques modestes reflets.

2 septembre 2017

Le coq boiteux de Tornac…

Exceptionnellement pour ce document du 28 janvier 1806 et établi par notre juge de paix habituel Jean Coulomb aîné, j’ai dû rajouter au texte que j’ai recopié quelques ponctuations, histoire de reprendre son souffle de temps en temps au cours de sa lecture ! C’est vrai que, s’agissant encore une fois d’une plainte, le greffier chargé de recueillir la déposition n’était pas là pour construire une œuvre littéraire !
Comme toujours dans ces petits témoignages, devenus souvent croquignolesques avec le recul du temps, nous en apprenons beaucoup sur la vie et les mœurs locales de l’époque. Par exemple le mot « garnisseur » qui, sans autre précision ici, pouvait concerner une spécialité de deux secteurs d’activité totalement différents de notre territoire : celui de la chapellerie avec le garnissage des chapeaux et celui de la céramique avec la mise en place des garnitures et autres ornements sur les diverses poteries. Un autre mot me semble intéressant car, datant du Moyen-âge, il a totalement disparu aujourd’hui de notre vocabulaire populaire : « trenque » qui désignait de façon commune les divers outils pour trancher et notamment la bêche…
 

« (…) Sont comparus les nommés François Deleuze, garnisseur, et Jean Pierre Beaux aussi garnisseur habitants de cette ville d’Anduze. Lesquels nous ont requis de rédiger la plainte qu’ils viennent nous rendre des faits cy après détaillés, à quoi nous avons procédé d’après les déclarations des dits Deleuze et Beaux qui nous ont dit que venant de St Hyppolite et étant passés par Durfort, lorsqu’ils ont été au ci devant château de Tornac (étant alors environ les trois heures de l’après midi) ils se sont arrêtés pour boire un demi litre de vin chez le nommé Denis, agriculteur. Et après l’avoir bu ils sont sortis pour venir à Anduze, lorsqu’ils ont rencontré le nommé Pandaure, garde champêtre de la commune de Tornac, qu’ils connaissent, qui les a invités à se retourner pour boire un autre demi litre de vin.  Ils n’ont pas voulu lui refuser et ont accepté son invitation, et comme le dit Pandaure était armé de son fusil, le dit Deleuze, qui voyait devant lui deux coqs, a dit j’ai envi avec ton fusil d’en tuer un. Mais il faut savoir si le propriétaire des dits coqs y sera content, alors le dit Deleuze s’est rendu chez le nommé Nissaret, cordonnier, a qui ils appartenaient et lui a dit voulez vous me vendre un des coqs qui sont à la sortie de la basse cour. Alors le dit Nissaret lui a répondu oui je vous en vendrai un, celui qui est boiteux, quant à l’autre je ne veux point le vendre, quand vous m’en donnerez quatre francs, mais pour le boiteux je vous le vendrai à un franc cinquante centimes. A quoi le plaignant a consenti, et lui a dit si je le tue je vous le paye et je l’emporte. Et de suite ayant pris le fusil du sus dit garde champêtre lui a tiré, mais il l’a manqué. Le dit Nissaret a réclamé le paiement de son coq, le plaignant lui a répondu tachez d’attraper le coq et je vais vous le payer de suite. Alors le dit Nissaret qui tenait un manche de trenque à la main a frappé d’un coup sur le téton gauche qui a manqué le renverser par terre. Et a levé le dit manche pour l’en frapper sur la tête, lorsque le dit Jean Pierre Beaux s’est avancé précipitamment pour empêcher que Nissaret ne l’assomma. Alors ce dernier s’est retourné vers lui et lui a dit tu es aussi coquin que l’autre, lui a donné un soufflet sur la joue gauche, le pris au collet, l’a secoué fortement et en lui faisant lâcher prise il lui a déchiré un gilet de velours. Et après cette scène les plaignants, sans avoir riposté aux coups et aux insultes du dit Nissaret, lui ont dit attraper le coq et nous allons vous le payer. Effectivement lorsqu’ils l’ont eu le lui ont payé au prix convenu. Sont venus porter plainte et affirment tous les faits ci-dessus vrais et sincères, désignent pour témoins le dit Pandaure garde champêtre, Cazalès d’Atuech, Basalge, conducteur des troupeaux dans la montagne (…) »

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