C'est le passé et le présent qui se mélangent pour former la passionnante histoire culturelle de notre antique cité, tournée irrémédiablement vers l'avenir…
Ces "billets", pour amoureux d'Anduze, n'en sont que quelques modestes reflets.

21 décembre 2013

Un rondeau pour Anduze…



Une chanson ! Une chanson !
Eh bien soit, puisque vous insistez voici, pour clore joyeusement cette série de billets 2013, un rondeau composé à la fin du dix neuvième siècle. C'est un véritable document émouvant sur les nombreux et différents commerces de l'époque, tous ouverts à l'année pour servir une population essentiellement ouvrière et modeste. Je suis persuadé que quelques noms de familles de commerçants évoqués dans ce rondeau " à l'air connu " éveilleront l'attention de certains Anduziens… Ce fut le cas pour moi !

Excellentes fêtes de fin d'année à tous !


21 novembre 2013

La porte de la Maison Commune…

Cette vieille et magnifique porte, qui s'ouvre aujourd'hui sur la grande salle d'un cabinet de kinésithérapeutes dont le faux plafond masque de belles voûtes, est sans aucun doute l'un des vestiges les plus emblématiques du patrimoine anduzien. Mais surtout emblématique de tout un quartier historique qui fut pendant des siècles le centre de tous les pouvoirs anduziens, qu'ils soient d'ordre politique ou religieux.  Celui-ci est situé dans les " Hauts d'Anduze ", entre les rues Notarié et de la Monnaie, reliées entre elles par la place du Cimetière ou place Saint Etienne ou place de l'église ou, pardon, place de la République !…
Viguier, dans sa notice sur la ville d'Anduze, nous parle d'un acte de 1442 constatant que la communauté d'Anduze et la confrérie de Saint-Etienne achetèrent une maison contiguë à celle que possédait déjà la confrérie depuis 1384 et qui deviendra un Hôtel-de-Ville. Ces deux maisons sont réunies dans le compois de 1535 sous le nom de Maison de la Confrérie et en 1546 ce nom deviendra celui de Maison Consulaire. Cette confrérie était l'une des cinq associations charitables d'Anduze à laquelle appartenait peut-être bien quelque consul et qui dans ce cas pouvait offrir si nécessaire le logis aux desservants de l'église Saint Etienne (forcément située dans le même secteur que celle d'aujourd'hui pour être à proximité du premier château des seigneurs d'Anduze, nous ignorons à ce jour quel fut son emplacement exact). Depuis le Moyen-âge, ceux-ci appartenaient au prieuré contigu à l'église et comprenait outre le Prieur et son vicaire, une douzaine de religieux.
Or, en 1561, presque tout Anduze est acquis à la Réforme dont le culte s'installe dans l'église, les prêtres ayant du céder la place. Fin 1567, ayant démoli l'église comme tous les autres édifices catholiques, les protestants installent leur culte dans une salle de la Maison Consulaire. Mais celle-ci devenant trop petite, décision est prise d'agrandir tout l'ensemble par la construction d'un nouveau local côté ancien cimetière, constituant ainsi un véritable pâté de maisons entre les deux ruelles citées plus haut. Siège actuellement d'une agence d'assurances, sa façade a conservé la trace du blason de la ville – martelé à la Révolution –  daté de 1590.
Après 1600, une fois construit le nouveau temple, les catholiques récupérèrent progressivement leur ancien domaine de la confrérie et y aménagèrent une chapelle. En 1634, invoquant le droit de propriété de l'Eglise, le vicaire intenta une action pour récupérer aussi le reste des locaux comme logements. Bien sûr les consuls ne cédèrent pas et il fallut que l'affaire aille jusqu'au Parlement de Toulouse pour qu'en 1647, comme le raconte Jean-Pierre Hugues dans son livre : " Les magistrats furent autorisés à rester dans la Maison de Ville, mais à la condition qu'ils paieraient au vicaire une rente annuelle de douze livres ". Il s'agissait de la salle haute de la Maison et cela constituait du même coup la reconnaissance de propriété de l'Eglise…
Après la révocation de l'Edit de Nantes, le temple à son tour démoli fit place à la nouvelle église d'aujourd'hui, terminée en 1688. Dès-lors et d'un commun accord, les services consulaires s'installèrent au large au rez-de-chaussée, et le presbytère au premier étage. Ce " modus-vivendi " va durer ainsi près de cent quarante ans malgré la poursuite des guerres de religions, et une éclipse due aux événements de la période révolutionnaire. En 1825, la Municipalité aménage un nouvel Hôtel de Ville dans l'une des ailes des anciennes casernes où il se trouve encore aujourd'hui, tandis que le presbytère catholique est resté au premier étage de l'ancienne Maison Consulaire, utilisant aussi le rez-de-chaussée pour ses diverses réunions paroissiales, ceci jusqu'au milieu du vingtième siècle.
Vendus et passés dans le domaine privé, les vieux bâtiments furent rehaussés de plusieurs étages, transformés en appartements et locaux commerciaux dans les années 1990 après avoir abrité pendant longtemps l'atelier d'un menuisier qui adorait travailler devant le pas de sa porte… de sa si magnifique porte !…

2 novembre 2013

L'hommage aux Enfants d'Anduze…


Bientôt la commémoration de l'armistice du 11 novembre 1918, aussi c'est peut-être le bon moment pour écrire quelques mots sur un ouvrage particulier d'Anduze puisque dédié au souvenir : notre Monument aux Morts.
C'est le 14 juin 1919 que le maire Jean Gaussorgues et son Conseil décidèrent d'organiser un comité chargé de mettre en route le projet d'un monument à la mémoire des Enfants d'Anduze victimes de la Grande Guerre. Quelques mois plus tard, en février 1920, suite à un courrier du préfet annonçant que des trophées de guerre pourront être accordés aux communes sous certaines conditions, la municipalité fit une demande de deux canons pour la ville. Le 28 novembre de la même année, les élus municipaux votent quatre mille francs en faveur du comité, somme qui vient s'ajouter à celles de la souscription publique. Ce jour là est fait aussi le choix du lieu : " Le comité qui s'est constitué à l'effet d'ériger un monument à la mémoire des Enfants d'Anduze morts pour la France a fait le choix du parc des Cordeliers pour l'emplacement du dit monument qui serait édifié au pied de la grande pelouse de gauche, faisant face à l'entrée du jardin, demande au Conseil l'autorisation voulue."
Voici maintenant une courte mais inédite description du monument puisqu'elle fut écrite au dos d'une carte postale ancienne représentant celui-ci et que me montra Pierre Salvidant, collectionneur émérite et véritable mémoire d'Anduze : " Ce monument est tout en pierre de Brouzet. Le coq victorieux, au-dessus d'un drapeau impérial allemand, une patte sur le casque, à côté un sabre brisé. Ce sujet a été tiré dans un bloc de pierre mesurant 2m X 2m X 1 mètre. Le coq seul mesure 1m30 de hauteur ". La réputation de cette pierre calcaire du Gard datant du Crétacé inférieur n'est plus à faire depuis longtemps. D'ailleurs, entre autres références, celle-ci prendrait même sa part de l'imposant socle de la statue de la Liberté : tout un symbole !…
Notre monument fut inauguré le 14 août 1921. Dans le même temps il y eut aussi la réception des deux canons, transportés aux frais de la commune du parc d'artillerie de Vincennes à celui des Cordeliers. Disparus aujourd'hui, une carte postale de l'époque nous les présente installés de chaque côté de l'entrée du parc.
Depuis, malheureusement, d'autres noms sont venus s'ajouter progressivement à ceux gravés dans la pierre avec les différents conflits du vingtième siècle, multipliant ainsi les cérémonies du souvenir… pour ne pas oublier !

19 octobre 2013

Cette loi qui changea les élections municipales…

Allez, un peu d'histoire ! La petite et la grande se croisant entre Anduze et Paris avec ce billet un peu plus long que d'habitude !…

Parmi les personnalités anduziennes les plus marquantes du dix neuvième siècle, il ne fait aucun doute qu'Albin de Montvaillant, que j'avais déjà eu l'occasion d'évoquer dans un billet d'avril 2012, tient une place de choix. Cet avocat, écrivain à ses heures, fut nommé à la tête de la mairie d'Anduze en 1865. Il occupa ce poste jusqu'en septembre 1870, date à laquelle un certain nombre d'événements historiques nationaux l'encouragèrent assez rapidement à abandonner sa vie politique locale. En voici les différentes étapes.
Le 3 septembre 1870 sont organisées des élections municipales pour renouveler normalement les conseillés, ceci sous la houlette du délégué du préfet et donc maire nommé d'Anduze, Albin de Montvaillant. Celui-ci va profiter du scrutin pour se faire élire aussi conseillé municipal et, la main sur le cœur, il prêtera serment : " Je jure obéissance à la constitution et fidélité à l'Empereur ! ". Seulement voilà, le lendemain 4 septembre, après une journée d'émeute à Paris, l'Empire est renversé ! Après avoir déclaré une guerre mal préparée à la puissante Prusse en juillet 1870, Napoléon III finit par se constituer prisonnier le 2 septembre à Sedan avec plus de 100 000 hommes. Apprenant la cuisante défaite, une foule parisienne envahit le Palais Bourbon où siège le Corps Législatif : l'empereur est déchu et la Troisième République proclamée.
Le 5 septembre à Anduze le Conseil élu quarante huit heures avant est dissous et une commission municipale provisoire est nommée par "
Adolphe Thiers
acclamation populaire " où le nom de Montvaillant n'apparaît pas. Le 7, Albert André sera nommé maire d'Anduze à la place d'Albin dont la démission a été acceptée…

La guerre n'est pas terminée. Les armées françaises battent en retraite sur tous les fronts et bientôt la capitale sera assiégée. Un hivers épouvantable attend les Parisiens qui résisteront longtemps avant de capituler en janvier 1871. Le gouvernement décide alors de signer un armistice avec la Prusse. Au mois de février, des élections générales donnent une nouvelle Assemblée nationale qui désigne Adolphe Thiers comme chef du gouvernement exécutif. Mais Paris grogne et, au mois de mars, entre en insurrection contre le gouvernement avec son mouvement baptisé " Commune de Paris ", qui va gagner progressivement les grandes villes de province comme Lyon, Marseille où Toulouse. Elles seront sévèrement réprimées et l'action des Communards se terminera à Paris avec ce qu'on appellera "la Semaine sanglante", à la fin du mois de mai.
Entre temps le gouvernement fit adopter le 14 avril 1871 une loi très importante concernant les élections locales : le Conseil municipal, élu au suffrage universel, élira lui-même le maire et ses adjoints, alors qu'auparavant ceux-ci étaient nommés par le préfet en pouvant être éventuellement choisis hors du Conseil. Avec quand même encore une restriction pour les villes de plus de vingt milles habitants, le gouvernement voulant rester maître des nominations les concernant. Il faut dire que la période n'était pas vraiment favorable à un climat de confiance !
La préfecture du Gard, en la personne du préfet Champrans, envoya de Nîmes une lettre étonnante datée du 18 avril 1871 à Albin de Montvaillant et dont voici la teneur :

"  Monsieur Albin de Montvaillant premier conseiller municipal, maire de la commune d'Anduze,
"  Monsieur le Maire,
"  J'ai l'honneur de vous donner connaissance de la nouvelle loi sur les élections municipales, en date du 14 de ce mois.
" D'après l'article 1er de cette loi, les commissions municipales, les maires et les adjoints en exercice et pris en dehors du Conseil municipal, doivent cesser leurs fonctions immédiatement après la publication de la loi.
" Provisoirement et jusqu'à l'installation des nouveaux Conseils municipaux, les fonctions de maires, d'adjoints et des présidents des bureaux électoraux, dans les communes administrées par les commissions municipales ou par des maires et adjoints pris en dehors du Conseil municipal, seront remplies par les membres des derniers Conseils municipaux, en suivant l'ordre d'inscription sur le tableau.
" En exécution de ces dispositions, je vous prie de vous concerter, dès la réception de la présente lettre, avec le maire actuellement en exercice qui, déjà prévenu par moi, voudra bien vous remettre le service de la mairie.
" Comme premiers actes de votre administration vous aurez à faire publier et placarder aux lieux ordinaires, l'affiche ci-jointe contenant la loi du 14 avril et vous entendre, pour les fonctions d'adjoint, avec le conseiller municipal venant après vous. Vous aurez ensuite, et sans perdre un instant, à vous occuper de la formation de la liste électorale qui doit être dressée dans les trois jours qui suivront la publication de la loi.
" Un prochain courrier vous apportera des instructions et les imprimés nécessaires pour la confection de ce travail. Vous pourriez, dès à présent, préparer les éléments de cette opération qui aura pour base la révision des listes électorales de 1870, avec cette condition que les électeurs devront être domiciliés depuis un an dans la commune.
" Je vous prie de vouloir bien accepter la charge provisoire que vous confie la loi, et dans le cas où il ne vous serait pas possible de la remplir, de la remettre, en mon nom, au membre du Conseil municipal inscrit après vous, en lui faisant tenir la présente lettre et l'affiche qui l'accompagne.
" Recevez, Monsieur, l'assurance de ma considération distinguée.
 
" Le Préfet du Gard "

La réponse ne se fit pas attendre puisqu'elle date du 20 avril 1871. Le plus curieux est qu'elle fut adressée au sous-préfet d'Alais comme si c'était lui qui avait été l'auteur de la première ! Un petit mystère mais toujours est-il qu'Albin de Montvaillant avait déjà définitivement tourné la page de sa vie politique anduzienne :

" J'ai reçu la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'adresser, qui me fait connaître qu'en ma qualité de premier conseiller municipal élu par le suffrage universel, la loi du 14 avril 1871 me confie les fonctions de maire jusqu'aux élections nouvelles.
" Je vous remercie, monsieur le Sous Préfet, de votre communication, et tout en approuvant la loi qui rend ainsi hommage au suffrage universel et qui proteste contre l'usurpation des commissions municipales, je me vois au regret obligé de vous faire connaître que je n'accepte pas ces fonctions.
"Recevez, monsieur le Sous Préfet, l'assurance de ma considération très distinguée.
" Albin de Montvaillant "

3 octobre 2013

Anduze ou la passion de la céramique…

Ensemble de céramiques fines gallo-romaines
Quand un chercheur passionné de terres cuites arrive en Cévennes et foule une terre potière dont la réputation n'est plus à faire comme celle d'Anduze, ça ne peut donner obligatoirement qu'un coup de cœur ! Ce fut sans aucun doute le cas de Freddy Thuillier. Remarquez, comme le souligne judicieusement Bernard de Fréminville dans son récent petit livre sur la Porte des Cévennes : " Pas un espace de terre qui ne révèle ici, pour peu qu'on le creuse, un fragment de poterie ". Alors on peut comprendre aisément avec quelle facilité notre docteur en archéologie – sa thèse de doctorat portait sur les ateliers de potiers gallo-romains – jugea notre environnement exceptionnellement favorable pour d'éventuelles recherches à venir…
En attendant, et suite à sa demande, la ville d'Anduze l'accueille avec grand plaisir pour une conférence le samedi 12 octobre à partir de 17h30 à la salle Ugolin, aux Casernes. L'intervention sera accompagnée d'un power-point et d'une présentation de mobiliers céramiques. En voici les différents thèmes : 1/ La fabrication des terres cuites, ses techniques, sa chaîne opératoire, et les vestiges archéologiques en rapport avec ces techniques. 2/ Les produits fabriqués et leurs fonctions et utilisations. 3/ Les terres cuites, sources d'informations pour les archéologues.
Si les céramiques, sous toutes leurs formes et leurs destinations, participent aujourd'hui plus que jamais à notre économie et à notre identité culturelle locale, elles témoignent aussi à travers le temps de la longue histoire d'Anduze et de ses environs…

8 septembre 2013

Château de Tornac : une première étape archéologique…

Les prochaines Journées du Patrimoine d'Anduze seront sans conteste à marquer d'une pierre blanche… Une pierre du château de Tornac de préférence car notre vieux castellas sera bien le centre d'intérêt de la conférence, très attendue, de l'archéologue Sophie Aspord-Mercier. Mais revenons succinctement à l'origine des faits.
Lors des travaux de mise en sécurité du site, des éléments architecturaux inédits et intéressants (seuil de porte avec bases de colonnes et pavage de pierres important dans la cour castrale) ont été mis à jour. Ceci grâce à l'œil exercé de l'architecte mais aussi à l'esprit curieux de l'un des ouvriers du chantier qui prit l'initiative de " gratter un peu pour voir "  la zone concernée… Informée, la Direction Régionale des Affaires Culturelles dépêcha sur place ses représentants, car n'oublions pas que le château est inscrit à l'inventaire supplémentaire des Monuments Historiques. Reconnaissant tout l'intérêt de cette découverte, la DRAC décida donc de soutenir le projet de sondages archéologiques souhaité par le SIVU représentant les villes de Tornac et Anduze. De ce fait, suite à l'appel d'offres lancé, ce fut madame Sophie Aspord-Mercier, docteur en histoire de l'art et en archéologie médiévale, qui fut chargée de ce travail. Pour ceux qui s'intéressent – et ils sont nombreux – au patrimoine de notre région, ce nom ne leur est pas inconnu puisque nous le retrouvons régulièrement à travers la publication de recherches remarquables comme par exemple et parmi beaucoup d'autres celle du passionnant château d'Allègre ou encore celle du temple de Sainte Croix de Caderle.
L'archéologue, accompagnée d'une petite équipe, effectua différents sondages dans la cour castrale durant la première quinzaine de juillet. Elle nous propose samedi prochain un premier bilan de ses investigations complétées par une étude documentaire. Il ne s'agit pas avec cette intervention d'établir des conclusions définitives quant à l'histoire du château, mais bien de progresser dans sa connaissance en y ajoutant quelques pages nouvelles. Ecrites avec la compétence indiscutable d'une grande professionnelle, elles nous permettront peut-être d'avoir un autre regard sur la destination future de ce site magnifique.

2 juin 2013

Ces témoignages de la petite histoire d'Anduze…

Josué Jourdan et ses enfants devant son magasin
Les passionnés d'Anduze connaissent tous à peu près les grandes lignes de son histoire générale, apprises d'abord à travers les différents vieux ouvrages qui lui ont été consacrés, et écrits d'ailleurs quelques fois avec plus ou moins de rigueur …pour ensuite s'intéresser à des éditions et autres articles plus récents traitant de périodes spécifiques. Nous aimons tous ces auteurs car ils ont le mérite d'avoir témoigné, chacun avec sa personnalité et à la manière de son temps, de l'intérêt qu'ils portent ou qu'ils ont porté à notre attachante cité.
Mais parfois des témoignages prennent une forme particulière car issus directement de la vie quotidienne et modeste du citoyen. C'est le cas, par exemple, de Josué Jourdan, un commerçant ayant exercé à Anduze au début du vingtième siècle et dont les factures professionnelles furent conservées miraculeusement pendant des générations au fond d'une vieille armoire ! Un véritable livre non relié dont chaque page est représentée par l'en-tête souvent joliment illustré d'un fournisseur. Le " père Jourdan " avait son magasin de " Meubles en tous genres, sièges, tentures " à l'emplacement actuel de la pharmacie Valière, au Plan de Brie, et à priori travaillait avec un certain nombre de ses collègues anduziens. Citons Jules Roux qui tenait une menuiserie-ébénisterie rue Grefeuille ; Achille Pantoustier qui s'occupait de ferblanterie-plomberie-zinguerie à la place du Château ; pour les matériaux de construction et diverses fournitures, il s'adressait à Gascuel au Chemin Neuf (avenue Rollin). Il lui arrivait aussi d'aller chercher le bois de ses meubles chez Antoine Cabanis et Fils à Atuech. Par contre, pour des commandes un peu plus " pointues " comme les beaux tissus d'ameublement et certains éléments de décoration, il n'hésitait pas à contacter des entreprises réputées de Lyon ou même de Paris. A partir des années 1925 une nouvelle facture prendra sa place de façon récurrente sur la pile : celle de son abonnement à la socièté anonyme Sud-Electrique !…
Alors bien sûr on peut classer ces documents comme étant des témoignages sans grande importance sur la " petite histoire ". Il n'en demeure pas moins que cela est non seulement une mine de renseignements historiques sur les acteurs économiques locaux d'une période précise mais aussi le reflet concret et émouvant d'une certaine atmosphère de l'époque… en édition originale !

6 mai 2013

La "croix mêlée" du Bernardin…


Page du livre d'André Chastand
Dans son histoire d'Anduze de 1952, André Chastand, qui fut par ailleurs maire de notre cité entre 1945 et 1947, nous montre les reproductions agrandies et dessinées des trois monnaies différentes émises au Moyen-âge par les seigneurs d'Anduze et Sauve et dont l'atelier de fabrication se trouvait à Sommières. Ces dessins ont été faits à l'époque d'après des pièces originales que la ville d'Anduze possédait, suite au don d'un particulier en 1938.
 Parmi ces reproductions, celle concernant le denier à "croix mêlée" (en haut de page) présente une caractéristique étonnante : si les lettres en cercle de la légende sont à leurs places, par contre la croix a été dessinée à l'envers ! Une telle erreur du dessinateur paraît incroyable, celui-ci ayant eu le modèle sous les yeux. Ou alors il s'agit d'un Bernardin exceptionnel car unique en son genre ! Dommage que nous ne puissions pas éclaircir ce mystère aujourd'hui, l'ensemble de cette petite collection ayant disparu de la mairie depuis longtemps…
C'était un petit préambule pour annoncer l'acquisition dernièrement par la municipalité d'un très bel exemplaire de ce denier à "croix mêlée", rare de cette qualité, qui vient s'ajouter à celui à "croix ancrée" que le Club Numismatique Cévenol avait gentiment offert à la ville l'année dernière.
Cette fois ces pièces ont été photographiées et répertoriées officiellement pour éviter qu'elles ne "s'égarent"… Ce petit patrimoine est un témoin essentiel de l'histoire de notre commune qui trouvera sa place légitime le moment venu au sein du futur conservatoire historique anduzien. Ce projet à moyen terme, lié à l'aménagement de la tour de l'Horloge, est en cours. Qui sait, entre-temps peut-être aurons nous la chance ou l'opportunité de récupérer une obole, beaucoup plus rare que le denier, pour pouvoir compléter la série.
Denier à croix mêlée acquis par la ville d'Anduze
Cette année, dans le cadre de la prochaine bourse nationale du Club Numismatique Cévenol, nous n'aurons pas le plaisir de recevoir notre ami et spécialiste du Bernardin, Laurent Schmitt, pour une de ses interventions passionnantes dont lui seul a le secret. Tant pis ! Ce n'est que partie remise pour Anduze car nous savons qu'il en apprécie le charme et l'accueil !

28 avril 2013

Corbès, sa petite histoire

Ce fut une jolie surprise de découvrir dernièrement l'existence de ce livre inédit sur l'un de nos villages voisins, Corbès, paru il y a moins d'un an. Comme il est écrit dans son avant propos, l'ouvrage est le résultat d'un travail considérable et de longue haleine de l'association Approche et de l'auteure Marie-Jo Vincent.
L'amateur d'histoires locales que je suis ne peut que saluer cette initiative de passionnés bénévoles désirant simplement faire partager leur fierté d'habiter un si bel endroit. Et pour mieux en appréhender toute la beauté il est préférable d'en connaître le mieux possible les différentes composantes. C'est l'objet de cette édition qui, plus qu'un livre d'histoire traditionnel, aborde en cent vingt pages tous les domaines qui forgèrent et forgent encore aujourd'hui l'identité cévenole de la petite commune " au début des Cévennes ".
Faisant la part belle à une iconographie abondante et de qualité, l'ouvrage au format agréable est ludique tout en proposant une mine d'informations variées sur la vie corbésienne passée et présente.
Cette " promenade dans la mémoire " est destinée bien sûr avant tout, comme l'indique la dédicace de la première page, aux Corbésiennes et aux Corbésiens mais intéressera aussi certainement un cercle plus large d'amoureux des Cévennes. A l'image des empreintes de pas de dinosaures relevées sur la commune et reproduites dans le livre, le travail de Marie-Jo Vincent s'inscrit dans le temps, sans prétention mais avec la volonté de laisser à disposition la trace d'un témoignage culturel local riche de sa diversité patrimoniale et environnementale…

12 mars 2013

Meilleurs souvenirs d'Anduze !…

Faisant suite au précédent billet, je vais vous parler maintenant d’un tout autre genre d’ouvrage qui m’a particulièrement touché : « Quand les souvenirs s’invitent… » d’Albert Grosselin et ses complices. Effectivement accompagné dans l’écriture par une demi-douzaine d’amis de longue date, l’auteur nous propose un retour, de l’après guerre aux années soixante du siècle dernier, sur la vie quotidienne à Anduze.
Aujourd’hui nul besoin d’être un Anduzien de souche pour apprécier la bonne cinquantaine d’anecdotes de ce livre où chacun pourra reconnaître un personnage, une situation, une rue, une odeur… Je fus ainsi ému en lisant « L’ascension du rocher de Peyremale », de Marie-Carmen Saenz-Vesse, qui me rappela ma propre expérience sur sa pente abrupte côté gardon, il y a quarante ans ! Autre plaisir avec « Notre Gaumont-Palace » qui évoque celui qui fut durant de très longues années une célèbre figure d’Anduze, Germain Restouble. Mais parmi tous les témoignages, souvent drôles quand ils ne sont pas émouvants, c’est sans aucun doute celui de Yolande Roussel qui m’a le plus marqué avec « Mon premier emploi ». Ce texte court mais précis, racontant l’entrée dans la vie active de l’auteure en 1947 à l’âge de quatorze ans, est un véritable document sur l'atmosphère de travail d’une filature de soie, en l’occurrence ici celle qui était située rue Beauregard. Aucune amertume chez madame Roussel malgré ce premier travail pénible dont elle ne retient avec le recul du temps que l'aspect le plus positif : en être sortie plus aguerrie pour mieux apprécier les emplois qui suivront…
Amoureux d'Anduze courez, l'édition est limitée ! Et ensuite dégustez chacun des souvenirs de ce recueil, vécu à travers le regard de l’enfance, comme une friandise…

23 février 2013

Le sang bleu du poète…

Décidément, Jean Claris de Florian n'a jamais eu de chance avec le bleu. Car, avant d'être la couleur de la bêtise aujourd'hui sur le monument anduzien à sa mémoire, elle fut aussi dans les dernières semaines de sa vie l'un des symboles républicains témoin de ses souffrances dans les geôles de la Révolution…
Nous sommes en 1794, période sanglante où Robespierre impose son régime de la Terreur. Accusé " d'intimité " avec la noblesse, Florian, déjà Académicien et auteur reconnu, est arrêté le 13 juillet et conduit à la maison d'arrêt de la Bourbe. Située dans la rue au nom prédestiné d'Enfer, à Paris, cette prison en était bien l'antichambre puisque première étape avant un transfert à la Conciergerie et son cortège de charrettes… vers la guillotine. Les premiers quinze jours de son incarcération furent sans doute les plus pénibles pour le poète, celui-ci s'attendant chaque matin à entendre l'appel de son nom. Mais finalement, victime de sa propre infamie, c'est Robespierre qui finira sous le couperet le 28 juillet.
Malgré une situation générale décrispée et l'aide précieuse de son meilleur ami Boissy d'Anglas, Florian ne sortit de prison que le 9 août suivant. Malheureusement pour lui les conditions difficiles de sa détention l'avaient considérablement affaibli et il fut emporté par la phtisie le 13 septembre à Sceaux où il s'était installé. Mais notre fabuliste gardois est toujours présent à travers ses œuvres. La preuve en est avec une majorité d'entre nous le citant encore aujourd'hui sans le savoir – peut-être même notre " sinistre " tagger – avec, par exemples : " Chacun son métier… Les vaches seront bien gardées ", " Pour vivre heureux, vivons caché ", ou encore le célèbre " Rira bien qui rira le dernier ".
Je ne sais pas si Jean Claris de Florian avait l'œil azur ; par contre, ce qui est certain c'est qu'il avait le sang bleu…

11 février 2013

Quand Titien s’invite à la salle du Conseil…

La Jeune Fille au miroir du Louvre
La Jeune Fille au miroir de la salle du Conseil
Parmi la trentaine de tableaux récupérés par la ville d’Anduze lors de l’héritage inattendu et toujours mystérieux du peintre Guillaume Dulac, il fut décidé de profiter de notre belle salle du Conseil pour exposer une sélection de trois œuvres, sinon représentatives de l’artiste, du moins dégageant assez de qualités picturales pour nous donner l’envie de partager ces magnifiques images. Parmi celles-ci se trouve une grande toile dont nous soupçonnions la condition de copie d’œuvre de la Renaissance sans pour autant pouvoir mettre un nom sur le créateur de l’original…
Il faut dire que le nombre d’œuvres et de peintres couvrant cette période est assez phénoménal et que les recherches, sans être spécialistes, auraient pu prendre un certain temps… Heureusement pour nous, c’est une charmante dame de Paris, consultante en vins mais aussi restauratrice de tableaux à ses heures, qui, de passage à la mairie dans le cadre d’une cérémonie de mariage, lâcha la première le mot clé et non moins magique : « Titien ! ». Bon ! nous avions fait quand même la moitié du chemin en reconnaissant le style de l'école vénitienne… Sans entrer dans les détails, c'est à partir de ce moment là et grâce à Internet, que ce fut un jeu d’enfant de confirmer sans contestation possible l’affirmation de notre parisienne férue d’histoire de l’art ! Tiziano Vecellio, dit Titien, né vers 1488 en Vénétie, peint cette toile appelée « La Jeune Fille au miroir » vers 1515 ; achetée en 1662 par Louis XIV, celle-ci se trouve maintenant au Louvre. En voici l'explication proposée par le musée :
" Dans ce chef-d'œuvre du classicisme chromatique de la jeunesse de Titien, l'harmonie de la composition et des couleurs exalte la beauté de la femme. Titien donne ici un prototype de l'idéal féminin caractéristique de la peinture vénitienne. Les deux miroirs, dont l'un est tendu par l'homme, permettent à la jeune femme de se voir à la fois de face et de dos : ce thème du reflet multiple, introduit à Venise par Giorgione, permet à l'artiste de montrer son habileté technique et sert à illustrer la supériorité de la Peinture dans sa rivalité avec la Sculpture."
Il démarrera ainsi une très longue carrière de portraitiste qui trouvera son apogée avec le célèbre portrait de Charles Quint en 1533.
La copie des œuvres des maîtres a toujours été un excellent exercice pour l’étudiant des Beaux-Arts et Guillaume Dulac, en son temps, n’a certainement pas dérogé à la règle en produisant ce travail de qualité destiné à « apprendre à voir »… D'ailleurs, ici l'artiste n'a pas essayé de faire une véritable copie de l'œuvre du maître mais bien d'en saisir avant tout le sujet et l'émotion retraduits avec la façon de peindre de cette fin du XIX ème siècle et début XX ème, en larges touches de couleur caractéristiques du Post-impressionisme et du style développé par Dulac.
En terminant j'ai une pensée pour Germain Rodrigo, décédé il y a quelques années à l’âge de 103 ans, et qui fut à Anduze un peintre copiste amateur de talent. Nul doute qu’il aurait apprécié cette histoire et l’œuvre qui l’accompagne…

1 janvier 2013

Nos ancêtres les Celtes…

S'il est vrai qu'aujourd'hui en France ce sont les Bretons qui revendiquent le plus haut et le plus fort leur identité celtique, avec leurs traditions, manifestations et musique, n'oublions pas que les Celtes ont occupé les quatre points cardinaux de la Gaule, à travers la sédentarisation progressive de leurs différentes tribus. Dans le Gard, de la mer aux Cévennes, ce sont les Volques Arécomiques qui s'installent, arrivant de la région du Danube vers le troisième siècle avant Jésus Christ. A priori leur intégration avec les autochtones, notamment les Ibéro-Ligures, se passe en douceur, leur permettant de poser les premières pierres, où du moins les premières palissades, de ce qui deviendra leur capitale, Nemausus (Nîmes).
Quand les Romains arrivent aux portes de cette ville devenue importante, en 121 avant Jésus-Christ, le site anduzien possède déjà depuis longtemps son oppidum au sommet de la montagne qu'on nommera des siècles plus tard Saint Julien. Acceptant de se soumettre à la romanisation de leur territoire, les Volques pourront continuer à le gérer selon leurs traditions. A l'époque la grande force de l'Empire, en dehors de ses redoutables légions, était bien sa diplomatie qui permettait aux peuples conquis de conserver leur dignité en autorisant une certaine autonomie… pour en faire, le cas échéant, de véritables alliés ! Les Wisigoths, beaucoup plus tard, en feront aussi l'expérience, même si la civilisation romaine avait déjà amorcé son déclin.
Les Celtes font donc bien partie intégrante de notre histoire locale et si leur souvenir s'est quelque peu dilué dans les brumes des temps lointains c'est certainement dû à leur grande faculté d'adaptation et d'intégration aux différentes civilisations qui se sont succédées sur notre territoire. Mais, à l'instar de nos amis Bretons, il reste en nous la trace, même infime, de la culture celtique et ce n'est pas un hasard si sa musique, intemporelle et qui illustre un folklore habité par toutes sortes de créatures fantastiques venues du fond des âges, nous donne la chaire de poule… de plaisir !

Excellente année à tous !