C'est le passé et le présent qui se mélangent pour former la passionnante histoire culturelle de notre antique cité, tournée irrémédiablement vers l'avenir…
Ces "billets", pour amoureux d'Anduze, n'en sont que quelques modestes reflets.

11 décembre 2012

Rue Neuve : quelques éléments sur son origine…

En ce 17 février 1832, le maire d'Anduze Etienne Noguier ne s'attendait certainement pas, en délibérant ce jour là avec son Conseil, qu'il allait devoir faire face à une opposition particulièrement farouche, concernant le principal point de l'ordre du jour. En effet, lors de cette séance fut approuvé un projet déjà ancien, initié par son prédécesseur : l'ouverture d' " une rue du Faubourg de Nismes à la place Couverte "… Si dans un premier temps la délibération fut confirmée par un arrêté préfectoral, celle-ci sera finalement suspendue par le Conseil d'Etat demandant un complément d'informations, suite à sa réception d'un mémoire des opposants au projet.
 
C'est au cours de cette enquête publique qu'ont été publiés des petits fascicules de trente deux pages, adressés "Aux habitans d'Anduze", et dont j'ai la chance de tenir entre mes mains l'un des exemplaires devenus rarissimes. Fabriqués par les soins d'un imprimeur d'Alès en 1833, ils le furent sans aucun doute sous la houlette de la municipalité anduzienne, même si ces documents ne comportent ni blason, ni nom d'auteur. Leurs pages sont intéressantes à plus d'un titre. Par exemple elles nous apprennent sans ambiguïté que le "chemin neuf de Nîmes" (devenu depuis les années 1930 l'avenue du Pasteur Rollin) existait déjà à cette époque et ne fut pas ouvert en même temps que la rue Neuve :
" …N'est-il pas convenable, n'est-il pas indispensable de rendre libre l'accès du principal marché de la ville d'Anduze, et celui de la ville toute entière ; les moyens de transport étant changés, l'avenue de Nismes ayant été transférée de la partie inférieure à la partie supérieure du vallon du Plan-des-Môles (ici il est fait allusion à l'ancienne route de Nîmes qu'était la rue du Luxembourg, face à l'entrée de la rue Droite et la nouvelle route de Nîmes passant maintenant par l'avenue du Pasteur Rollin), n'est-il pas urgent d'ouvrir sur le point de la ville correspondant à la nouvelle route une voie qui satisfasse les nouveaux besoins du commerce, et unisse à la ville le faubourg qui s'est élevé sur les bords de la route nouvelle ?
"…Mais à la vue du voyageur qui arrive de Nismes, n'est-il pas choquant ce cul-de-sac, que forme à l'entrée de la ville la belle route qu'il vient de parcourir ? Il recherche en vain l'entrée ; il lui semble que la disposition des lieux l'invite à continuer sa route et à éviter Anduze."

 
Il faut savoir qu'à cette époque Anduze possédait une population plus élevée qu'aujourd'hui, essentiellement due au dynamisme de ses marchés et au développement de son industrie. De ce fait il devenait impératif d'améliorer les différents accès au centre ville et désenclaver ainsi les places publiques stratégiques commercialement comme la place Couverte :
"…C'est sans doute par dérision qu'on a appelé rue Droite la principale voie, celle par laquelle on arrive au principal marché du côté du midi. Cette rue est la terreur des rouliers : ils préfèrent passer par la rue étroite de la Bouquerie, quoique le trajet soit double, et quelle soit précédée d'une montée. Quand même on redresserait à grands frais la rue Droite, on ne réussirait jamais à niveler le sol, on n'éviterait pas l'obstacle que présente le pied de la halle à l'endroit où la pente est la plus rapide…"
Autre réflexion non négligeable qui vient étoffer l'argumentation :
"…Si l'intérêt de la conservation de ses marchés oblige la ville à percer la rue projetée, celui de la santé publique lui en fait un devoir. Le quartier populeux que la rue doit traverser est complètement privé d'air ; il est un réceptacle d'ordures, un foyer d'infection, une véritable sentine…"
 
La conclusion, page 32 de ce livret, évoque déjà, quelques décennies plus tôt, les travaux qui auront lieu aussi pour accéder confortablement à la place Saint Etienne (actuelle place de la République) en ouvrant le boulevard Jean Jaurès, et qui a déjà fait l'objet d'un précédent billet :
" Habitans de la place St Etienne et des quartier supérieurs de la ville ! ne jalousez point le projet de rue dont l'exécution doit ôter tout prétexte de déplacer à l'avenir les établissemens commerciaux qui sont à l'intérieur. C'est le premier acte d'exécution du projet général d'amélioration de la voirie, dont la rue du nord deviendra aussi la conséquence. Ne contestez pas à l'autre rue la priorité qui lui est acquise à si juste titre ; soutenez-la aussi de vos vôtes. Le quartier de la place aux grains ne peut gagner sans que le vôtre ne gagne aussi, et s'il perdait, le vôtre ne pourrait que perdre au centuple.
Vous tous habitans d'une même ville, ne vous partagez pas en des volontés diverses : l'esprit de domination cherche à diviser, car il ne peut se satisfaire qu'en divisant, mais l'intérêt public exige, commande l'union. Réunissez-vous tous autour de votre maire : il n'est en butte à tant d'attaques que pour avoir refusé de favoriser des vues d'intérêt privé. Votez pour le projet de rue de la place de la halle, le plus beau, le plus patriotique qu'on ait jamais conçu pour votre ville."

 
La Grande Rue, qui deviendra la rue Neuve, fut percée en 1836…